Archive for the ‘ Poésie. ’ Category

Poème et peinture du jour – solitude.

O! Solitude, my sweetest choice
Places devoted to the night,
Remote from tumult, and from noise,
How you my restless thoughts delight !
O Heavens! what content is mine,
To see those trees which have appear’d
From the nativity of Time,
And which hall ages have rever’d,
To look to-day as fresh and green,
As when their beauties first were seen!… »

Katherine Philips

*

La solitude ne m’est pas donnée, je la gagne. Je suis conduit vers elle par un souci de beauté. J’y veux me définir, délimiter mes contours, sortir de la confusion, m’ordonner.

Journal du voleur, Jean Genet – 1949

*

Uomo solitario, o angelo o demone.

*

Bisogna essere molto forti per amare la solitudine.

Pier Paolo Pasolini

*

File:Frank Bramley - Delicious Solitude 1909.jpg

Frank Bramley, délicieuse solitude – 1909.

*

File:Jean Jacques Henner - Solitude.jpg

Jean-Jacques Henner, solitude – fin du XIXème.

Poème et peinture du jour.

1er mai 2011.

 
Quelle soie aux baumes de temps, par Stéphane Mallarmé.

Quelle soie aux baumes de temps
Où la Chimère s’exténue
Vaut la torse et native nue
Que, hors de ton miroir, tu tends!

Les trous de drapeaux méditants
S’exaltent dans notre avenue:
Moi, j’ai la chevelure nue
Pour enfouir mes yeux contents.

Non! La bouche ne sera sûre
De rien goûter à sa morsure
S’il ne fait, ton princier amant,

Dans la considérable touffe
Expirer, comme un diamant,
Le cri des Gloires qu’il étouffe.

File:1855 Ary Scheffer - The Ghosts of Paolo and Francesca Appear to Dante and Virgil.jpg

Ary Scheffer
Les ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent 
à Dante et à Virgile - 1855.

Ses Purs Ongles Très Haut Dédiant Leur Onyx

Ses Purs Ongles Très Haut Dédiant Leur Onyx


Stéphane Mallarmé.


Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L’Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide: nul ptyx,
Aboli bibelot d’inanité sonore,
(Car le Maître est aller puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s’honore).

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l’oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.


File:Utamaro Femme se poudrant le cou.JPG


Louise Michel et Victor Hugo, exils croisés.

Louise Michel et Victor Hugo.

On sait peu que Louise Michel fut l’amante de Victor Hugo, à la fin de l’été de 1851 et à l’automne, avant son départ en exil.

Une liaison brève passionnelle. Dans ses carnets, Victor indique une « rencontre » dans un fiacre, payé cinq sous.

On sait encore moins que Louise fut une auteure et une poète, admirée par Victor Hugo et George Clémenceau.

Les deux hommes furent ses soutiens pendant sa déportation en Nouvelle-Calédonie, de 1871 à 1880.

*

Edouard Manet, Le fiacre – 1877 1878.

File:Edouard Manet Le fiacre vu de dos.jpg

*

Voici un poème de Louise Michel pour Théophile Ferré, son compagnon et amant, exécuté à l’automne 1871 avec Rossel, ministre de la guerre de la Commune.

Il fut écrit au moment de l’exécution. Louise, qui a affronté ses juges et qui a réclamé la mort pour elle-même, vient d’être condamnée à la déportation, elle restera dix ans en Nouvelle-Calédonie, refusant le régime des femmes, défendant les Canaques, ….

*

*

Rouges œillets


Si j’allais au noir cimetière,
Frère, jetez sur votre soeur,
Comme une espérance dernière,
De rouges œillets tout en fleurs.

Dans les derniers temps de l’Empire,
Lorsque le peuple s’éveillait,
Rouge œillet, ce fut ton sourire
Qui nous dit que tout renaissait.

Aujourd’hui, va fleurir dans l’ombre
Des noires et tristes prisons.
Va fleurir près du captif sombre,
Et dis-lui bien que nous l’aimons.

Dis-lui que par le temps rapide
Tout appartient à l’avenir
Que le vainqueur au front livide
Plus que le vaincu peut mourir.

**

Edouard Manet, Guerre civile – 1871.

File:Manet.Guerre civile.jpg

**

Victor Hugo est un des rares hommes à introduire de l’humanité dans le délire criminel qui saisit les bien-pensants en 1871.

Il aurait assisté au départ des milliers de déporté(e)s vers la Nouvelle-Calédonie. La légende dit qu’enchaînés sur les ponts des bâtiments, avant quatre mois de mer, et le régime du bagne, ils chantent « Le temps des cerises ».

Voici le poème d’écho de Victor Hugo  pour consoler Louise. Leur correspondance durera jusqu’au retour de Louise, fêtée par le peuple :

VIRO MAJOR


Ayant vu le massacre immense, le combat
Le peuple sur sa croix, Paris sur son grabat,
La pitié formidable était dans tes paroles.
Tu faisais ce que font les grandes âmes folles
Et, lasse de lutter, de rêver de souffrir,
Tu disais : ” j’ai tué ! ” car tu voulais mourir.

*
Tu mentais contre toi, terrible et surhumaine.
Judith la sombre juive, Aria la romaine
Eussent battu des mains pendant que tu parlais.
Tu disais aux greniers : ” J’ai brûlé les palais !”
Tu glorifiait ceux qu’on écrase et qu’on foule.
Tu criais : ” J’ai tué ! Qu’on me tue ! – Et la foule
Ecoutait cette femme altière s’accuser.
Tu semblais envoyer au sépulcre un baiser ;
Ton oeil fixe pesait sur les juges livides ;
Et tu songeais pareille aux graves Euménides.

*
La pâle mort était debout derrière toi.
Toute la vaste salle était pleine d’effroi.
Car le peuple saignant hait la guerre civile.
Dehors on entendait la rumeur de la ville.
Cette femme écoutait la vie aux bruits confus
D’en haut, dans l’attitude austère du refus.
Elle n’avait pas l’air de comprendre autre chose
Qu’un pilori dressé pour une apothéose ;
Et, trouvant l’affront noble et le supplice beau
Sinistre, elle hatait le pas vers le tombeau
Les juges murmuraient : ” Qu’elle meure ! C’est juste
Elle est infâme – A moins qu’elle ne soit Auguste ”
Disait leur conscience. Et les jugent, pensifs
Devant oui, devant non, comme entre deux récifs
Hésitaient, regardant la sévère coupable.

*
Et ceux qui, comme moi, te savent incapable
De tout ce qui n’est pas héroisme et vertu,
Qui savent que si l’on te disait : ” D’ou viens tu ? ”
Tu répondrais : ” Je viens de la nuit ou l’on souffre ;
Oui, je sors du devoir dont vous faites un gouffre !
Ceux qui savent tes vers mystérieux et doux,
Tes jours, tes nuits, tes soins, tes pleurs donnés à tous,
Ton oubli de toi-même à secourir les autres,
Ta parole semblable aux flammes des apôtres ;
Ceux qui savent le toit sans feu, sans air, sans pain
Le lit de sangle avec la table de sapin
Ta bonté, ta fierté de femme populaire.
L’âpre attendrissement qui dors sous ta colère
Ton long regard de haine à tous les inhumains
Et les pieds des enfants réchauffés dans tes mains ;
Ceux-la, femme, devant ta majesté farouche
Méditaient, et malgré l’amer pli de ta bouche
Malgré le maudisseur qui, s’acharnant sur toi
Te jetai tout les cris indignés de la loi
Malgré ta voix fatale et haute qui t’accuse
Voyaient resplendir l’ange à travers la méduse.

*
Tu fus haute, et semblas étrange en ces débats ;
Car, chétifs comme tous les vivants d’ici-bas,
Rien ne les trouble plus que deux âmes mêlées
Que le divin chaos des choses étoilées
Aperçu tout au fond d’un grand coeur inclément
Et qu’un rayonnement vu dans un flamboiement.

Victor HUGO, décembre 1871

Edouard Manet, Vive l’amnistie – 14 juillet 1880.

[Pour célébrer l’amnistie des Communards.]

File:Édouard Manet - Vive l'amnistie.jpg